Le piano est un des rares instruments que le musicien ne peut pas accorder lui-même. L’accord d’un piano ne s’improvise pas. Cela est dû à la complexité de l’instrument et par conséquent à la difficulté du travail de l’accordeur.
Pour l’accord de piano, il faut modifier la tension des cordes pour ajuster la hauteur du son. On utilise le LA3 à 440 Hz comme référence, en général. Pour ce faire, il convient de tourner puis caler chaque cheville, qui tient chaque corde, dans un sommier en bois pour tenter de maintenir le plus longtemps possible la justesse.
Depuis Jean Sébastien Bach, un des premiers à avoir élaboré et s’être emparé du principe de l’accord tempéré (où tous les ½ tons sont égaux dans la gamme) afin de pouvoir jouer dans toutes les tonalités et modalités sans s’écorcher l’oreille, par convention, cette méthode s’est imposée notamment pour le piano. L’accord d’un piano nécessite une très grande précision : 1/108ème de ton ou 1/12ème de comma ! Il y a donc 108 divisions ou touches dièses invisibles entre deux notes séparées d’un ton. Le musicien entend uniquement les ½ tons. Vous comprendrez aisément que pour obtenir cette finesse infinitésimale sur le plan auditif, il faudra bien évidemment acquérir une dextérité gestuelle prodigieuse et une oreille d’or.
En réalité, un piano neuf qui sort de l’usine de fabrication nécessite, avant d’être livré chez son futur propriétaire, un travail de préparation d’environ quatre heures. Le piano est dit « brut ». Cette étape, pourtant indispensable, est malheureusement souvent omise purement et simplement. On prétextera que le transport du piano depuis le magasin ou l’entrepôt aura désaccordé l’instrument. Un bon piano peut et doit supporter un transport de quelques dizaines de kilomètres.
Par la suite, le piano a besoin d’un entretien régulier. Dans le cas d’une utilisation modérée (jusqu’à 1 heure environ par jour maximum), le rythme d’un accord de piano au minimum une fois par an est indispensable si on veut conserver son instrument dans un bon état de fonctionnement. Dans le cas d’une utilisation plus soutenue (amateur averti ou professionnel), il conviendra d’adapter le rythme des interventions aux besoins du piano. Car objectivement, ce n’est pas l’accordeur, ni même le pianiste, qui devrait déterminer la fréquence des accords mais en réalité le piano. Suivant la qualité de sa fabrication, son historique, sa tenue d’accord dans le temps, les variations de température et surtout d’hygrométrie de la pièce, le professionnel consciencieux saura répondre au besoin du piano.
Pourquoi faire accorder votre piano aussi régulièrement ?
Tout d’abord, pour avoir le plaisir de jouer sur un piano juste et ne pas s’habituer à des sons disharmonieux. En effet, comme dans tous les domaines, on s’habitue aux dégradations lentes et progressives d’une chose ou d’une situation. Et ce n’est que par comparaison, après avoir supporté pendant des années un piano faux, lorsque l’accordeur est enfin intervenu, qu’on se rend compte de la différence, alors devenue flagrante.
D’autre part, un professionnel sérieux pourra « surveiller » l’évolution de votre piano, prévenir certaines petites pannes, comme les pédales qui grincent, ou vous informer des futurs travaux si nécessaire.
Ensuite, on pourra ainsi stabiliser l’accord du piano et donc lui apporter une meilleure tenue dans le temps par « mémorisation ». En effet, les pianos qui n’ont que quelques années « tiennent » moins bien l’accord que des pianos qui ont une vingtaine d’années, cela s’entend pour des pianos de qualité égale.
Enfin, le cas du piano délaissé par les musiciens est toujours épineux. Quel sera l’intérêt de faire accorder un piano qui ne joue pas ? Tout simplement, conserver le piano au LA du diapason 440 Hz, donc conserver la tension initiale des cordes, préserver ces qualités sonores dans le temps car un piano se désaccorde quelles que soient les circonstances et enfin ne pas mettre en souffrance la structure harmonique pour garantir sa longévité.
Et un appareil électronique pour l’accord de son piano ?
Certains auront entendu parler des appareils électroniques quelques fois utilisés pour accorder les pianos. Très bonne invention, me direz-vous ? En théorie, ça devrait être parfait, en pratique, il n’en est rien !
A condition, qu’il soit haut de gamme, cher et encombrant, un « accordeur électronique » peut parfaitement mesurer des fréquences. Mais il ne sera pas valable pour accorder un piano correctement, et cela pour deux raisons :
– Comme le résultat obtenu avec un appareil électronique est moins bon que celui obtenu à l’oreille, l’accordeur électronique ne sera d’aucune utilité à un professionnel compétent. En réalité, ce type d’appareil ne s’adresse qu’à des personnes qui n’ont pas appris le métier et qui, par conséquent, ne maitrisent aucune des multiples complexités de cette profession.
– La seconde raison réside dans le fait que le piano a des imperfections. Elles sont au nombre de deux : Les fausses cordes et l’inharmonicité.
- Une fausse corde est une corde qui, lorsqu’on la frappe, émet les mêmes battements que deux cordes de fréquence proche frappée simultanément. Ceci est un défaut que l’on rencontre malheureusement assez régulièrement et même sur des pianos haut de gamme. L’origine des fausses cordes est parfois complexe, il est donc assez délicat d’y remédier. C’est pourquoi l’accordeur de piano apprend à tenir compte de ce défaut lorsqu’il y est confronté et adapte son travail en fonction de ça. Pas l’appareil électronique.
- L’inharmonicité est une imperfection inhérente au piano et ne constitue pas un défaut à proprement parlé. Elle est dûe à la conception même de cet instrument. Le piano produit un son « complexe », composé « d’harmoniques » dont la fréquence est toujours un multiple entier du son pur fondamental mais aussi de « partiels » dont la fréquence n’est pas un multiple entier. Ces « partiels » s’écartent donc de la progression des « harmoniques », c’est ce que l’on appelle l’inharmonicité. Elle est une caractéristique qui affecte le timbre d’un son et surtout sa hauteur perçue. En effet, l’inharmonicité croit d’une façon exponentielle. Au fur et à mesure que l’on progresse de la fin du médium vers l’aigu, tous les intervalles semblent alors se rapetisser. Elle est plus modérée dans le registre des graves. Ce phénomène est variable d’une corde à l’autre et dû à leur diamètre trop gros par rapport à leur longueur et leur tension créant ainsi une forte rigidité.
De ce fait, si l’on continue d’accorder en octaves pures (sans battement) à partir d’un certain registre joué, tous les intervalles deviennent, sur le plan de la perception auditive humaine, de plus en plus écourtés, donc trop bas. L’inharmonicité varie aussi suivant la qualité du piano et de sa longueur de cordes. Par conséquent, l’accordeur chevronné travaillant exclusivement à l’oreille sera alors capable de la compenser en étirant judicieusement les octaves selon tous les critères nommés ci-dessus.
L’appareil électronique a pour principal défaut aussi de « n’écouter » qu’une hauteur de son à la fois. Il est programmé sur le système de l’accord en gamme tempérée où tous les demi-tons sont égaux avec des intervalles d’octaves pures (c’est-à-dire sans battement) correspondant au doublement de sa fréquence fondamentale. Il est donc incapable d’identifier cette inharmonicité fort complexe et unique pour chaque piano.